Accéder au contenu principal

Premier jour : l'idée, l'intrigue et ça démarre !

80 jours pour écrire un livre. Première journée. Il a fait beau, pas trop non plus, juste ce qu'il faut pour garder le moral sans avoir envie de partir à la plage. Je suis sorti écrire sur le balcon. J'avais besoin de poser mes idées sur le papier. J'ai hésité entre le stylo et le crayon de bois. J'ai redécouvert il n'y a pas très longtemps le plaisir d'écrire au crayon gris. C'est gras, c'est doux, c'est chaud... mais on a du mal à se relire. J'ai utilisé le stylo. Noir pétrole. Plastique Mou. Même pas froid. Tiède. C'était moins agréable mais je pouvais me relire.

Qu'est-ce que j'ai écrit cette première journée ? En fait, j'ai surtout pensé et discuté avec ma compagne (désolé, mesdames !) de mes idées de scénario, du thème du concours. Le thème du courage, c'est joli, mais c'est aussi assez abstrait. Ca bloque un peu quand on ne veut pas écrire un essai mais une histoire, avec des lieux physiques, des personnages en chair et en os...

Je suis revenu sur la citation de Jules Renard sur lequel s'appuie le concours Nouveau Talent en 2016 :

Le véritable courage consiste à être courageux quand précisément on ne l'est pas.

On peut commencer par un brainstorming, se demander ce qu'est le courage, les différents types de courage, et leur opposé : la lâcheté, la fuite, le mensonge, etc. Ca peut fonctionner pour un concours de nouvelles, mais pas pour un roman, il faut quelque chose de plus, trouver un intérêt particulier à la question pour écrire une histoire de 250 000 signes espaces compris minimum !

Alors j'ai réfléchi à l'envers : qu'est-ce qui me plaît, qu'est-ce que je veux raconter ? J'avais depuis un certain temps pensé à une histoire sous forme d'enquête généalogique. Un individu enquête sur ses ancêtres ou les ascendants d'une autre personne... Cela me permettait de conjuguer le plaisir d'une enquête de type "roman à énigme" avec ma passion pour l'Histoire avec sa grande H comme disait Perec.



Oui, mais quel rapport avec le thème ? J'ai imaginé que les ancêtres du héros - un homme - pouvaient avoir surmonté des épreuves terribles et avoir manifesté différentes formes de courage, alors que lui n'arrivait pas à avoir une histoire longue avec une femme, qu'il faisait tout échouer au moment où cela se concrétisait, qu'il n'osait pas s'engager... A la fin de l'histoire qui ressemblerait à un récit initiatique, le héros s'apercevrait qu'il n'a jamais vraiment aimé faire l'amour avec elles et avouerait la vérité à ses parents et à son ex : "Je suis homosexuel".

J'ai parlé de ce coming out à mon frère qui m'a expliqué que la chute lui posait problème : on pouvait très bien s'identifier au personnage, faire des pronostics sur la femme qui remportera tous les suffrages du héros et réleguera ses doutes à l'extrême-droite de son coeur (oui, cela s'appelle le poumon). A moins d'expliquer que tous ses ancêtres étaient homosexuels, on ne verrait pas le rapport avec la fin. Sauf que s'ils étaient homosexuels, cela devient un petit peu plus difficile d'avoir des descendants...



Bref, j'ai laissé tombé ce coming out et je suis revenu tourner autour de mon histoire d'enquête généalogique, en me posant des questions sur le courage, la lâcheté, le vrai et le faux courage, le guerrier qui se croit courageux, le jeune homme ou la jeune femme inexpérimenté qui devient courageux le jour où... quoi justement ? J'ai supposé que les ancêtres du personnage principal devaient avoir accompli des gestes héroïques sur des champs de bataille, en haut d'une échelle de pompier ou au fond d'un mine prête à s'écrouler. En comparaison, l
e protagoniste trouve sa vie très banale, il ou elle est fleuriste, il est diabétique et le seul sang qu'il verse, c'est pour ses prises de sang.

En réalité, son courage est celui de l'endurance : c'est une mère courage qui élève seule ses cinq enfants, c'est un homme qui affronte son cancer de la prostate, c'est une adolescente qui joue du violon devant ses parents sourds-muets, c'est un rappeur paraplégique qui apprend à taguer avec la bouche, c'est un eunuque qui tombe amoureux d'un castrat, que sais-je encore ?

J'avais l'impression de partir sur du "déjà-vu", "déjà-entendu", une idée consensuelle, qui, comme ce nom l'indique, semble douce et sensuelle au premier regard, mais qui se révèle un peu conne quand on parle avec elle.

Pour le coup, j'étais perdu... et c'est là qu'est venu l'illumination qui naît toujours après un temps de maturation : l'humour, la folie, l'absurde ! Je n'allais pas écrire une simple histoire de courageux pas courageux, mais une histoire qui me ressemble un peu, un récit décalé où le courage est là où on ne l'attend pas. Ceux qui se disent courageux seront tournés en dérision parce qu'ils sont naturellement combattifs, doués, sportifs, bronzés, avec les dents blanches et les ongles courts, ils n'ont que le succès qu'ils méritent, alors que mon héros, vile, lâche, bourré de défauts, de doutes et probablement méchant, évoluera vers un véritable choix, un choix courageux, qui fera de lui un homme respectable, un môssieur, un chef.



Il me manquait aussi la raison de cette enquête généalogique. J'ai pensé à un héritage, à une chasse au trésor, mais cela ressemblait à une pizza réchauffée au micro-onde. C'était triste. Nous ne sommes plus au dix-neuvième siècle, que diable ! On n'hérite pas comme ça une fortune ou un château-fort. Il faut le mériter, avoir le bac au moins. Non, le fil conducteur serait plus subtile. Ce serait un secret de famille. Un secret qui serait... Si je vous le disais, ce ne serait plus un secret.

En fait, je ne vous dis pas tout, mais j'ai déjà commencé à l'écrire. Un synopsis de quelques pages, quelques notes sur la famille du protagoniste, un dessin de l'arbre généalogique, le plan des premiers chapitres, une liste de protagonistes (alliés et obstacles), la première phrase pour donner le "la" et une page d'écriture sur informatique, pas mal pour un premier jour, non ? Evidemment, il me manque déjà 2,75 pages sur mon compteur, mais la préparation est essentielle.





Pour vous en dire plus, le héros sera un homme, une quarantaine d'année, il travaille dans le bâtiment. Il a une femme qui fait du tricot en loisir, un fils qui vient d'avoir un bac techno et une fille, la cadette, qui rêve de devenir une star. Une famille normale, quoi.

Enfin, en apparence... eh eh.

J'ai aussi réfléchi au contexte politico-géo-socio-économique dans lequel s'insérait l'histoire, parce que tout est lié. Le climax est une question de climat.

Je n'ai pas encore pensé au titre du roman, mais ce n'est pas l'essentiel pour l'instant.

Demain : écrire mon premier jet. Objectif : rattrapper mon retard et écrire 6,50 pages.

Oula, c'est comme la dette grecque, il y a des intérêts !





Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Eloge du vouvoiement

Ringard, le vouvoiement ? Le "vous" serait-il condamné à disparaître, comme le panda et l'éléphant d'Afrique ? Reconnaissons-le, le vouvoiement impose d'office une distance, une division des espèces. Il rappelle l'aristocratie, la relation de maître à serviteur. On ne veut plus vouvoyer car on ne veut plus de cette forme d'autorité, des relations à sens unique. On veut communiquer d'égale à égale entre deux amis potentiels, tu1 et tu2. Tu=tu Le tutoiement systématique, la féminisation des mots et le mariage gay sont les trois symboles du changement de paradigme qui s'opère sous nos yeux. Exit la société patriarcale et bienvenu dans le village planétaire. Celui où le personnel côtoie le privé. Où l'intime se donne à voir sur les réseaux sociaux. Les relations sont horizontales, la pyramide sociale a été remplacée par un monde plat. C'est plus simple, c'est plus sympathique, c'est plus rapide aussi. Mais n'a-t-on

Pour écrire, il me faut un plan

Pour écrire, il me faut un plan. Un squelette. Une espèce de filet tendu entre deux moments de l'histoire. Le début et la fin. Mais le début de l'histoire n'est pas nécessairement le début dans la chronologie. la fin n'est pas la fin de tout, le héros ne meurt pas obligatoirement, le monde ne s'effondre pas. Il y a même des fins ouvertes à d'autres possibles. Mais en attendant l'histoire est terminée, l'intrigue, le sujet initial a été développé jusqu'à ses ultimes conséquences, le démon de Maxwell est content. Tout est rentré dans l'ordre, non pas "tout finit bien", mais tout est à présent ordonné, à sa place. Tout est clair, lisible : le puzzle est terminé. Le héros peut pleurer ou se réjouir. La vérité qui vaut à la page 305 du roman est donnée comme la déclaration finale, la vérité ultime sur ce qui est conté, le secret des secrets. Imaginez une histoire qui commence par la révélation d'un secret. Il faudra bien évidemment montr

Retour sur l'atelier d'écriture de Guérande

Cela s'est déroulé 9 février dernier. L'atelier d'écriture s'est rempli très vite. Nous étions au complet, avec dix participants, pour la plupart aguerris, habités des ateliers d'écriture proposés par la médiathèque Samuel Beckett de Guérande. Ces ateliers, animés par des auteurs, ont la particularité de proposer à la fois des cycles complets, par exemple sur l'écriture d'une nouvelle, et des ateliers d'écriture ponctuels autour de jeux d'écriture. On s'y amuse, on s'étonne des histoires qu'on parvient à créer et on apprend à faire connaissance l'espace d'une journée. C'est ce type d'atelier que j'ai animé. C'est ainsi que j'ai découvert l'écriture de Maryvonne, de Joëlle, de Christian, de Marc, d'Hélène, de Catherine, de Jeanine, d'Helena, de Béatrice et de Monique. Je les remercie pour leurs belles productions, leurs idées de lecture ou d'ateliers. Je reviendrai à Guérande avec plai